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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 07:30

Affiche du film Cirkus Columbia

 

CIRKUS COLUMBIA
Bosnie-Herzégovine. Film de Danis Tanovic avec Miki Manojlovic... (2010 - vostf - 1h50)

  

Bosnie-Herzégovine, 1991.
À l'effondrement du communisme, Divko revient dans son village après 20 ans d'exil à l'ouest en compagnie de la jeune et séduisante Azra qu'il compte épouser, le chat noir Bonny et les poches remplies de Deutschemarks. Il entend retrouver tout ce qu'il a laissé et plus particulièrement son fils Martin qu'il n'a jamais connu.
Mais personne ne s'attendait à son retour et Bonny ne semble pas se plaire dans ce nouvel environnement... Bref, en 20 ans, les choses ont quand même changé et le retour de Divko ne s'avère pas être celui auquel il rêvait.

 

Cirkus Columbia, c'est l'histoire de la Bosnie-Herzégovine avant la guerre qui a éclatée en 1992. Ce n'est pas la grande Histoire en somme, du moins pas encore. Danis Tanovic s'attarde plutôt sur le quotidien des habitants d'un village, dans lequel Divko revient après 20 ans d'exil. Mais, progressivement, ce quotidien commence à être bouleversé par les histoires intimes ou collectives. Sans grande ambition affichée, ce film est pourtant une petite perle

 

Retour au pays

Cirkus Columbia Danis Tanovic effectue avec Cirkus Columbia le retour dans son pays natal, comme Divko un des ses personnages principaux : la Bosnie-Herzégovine. Après avoir tourné autour du pot tout au long de sa carrière cinématographique, en l'abordant sous le point de vue de la guerre, il n'y avait pourtant pas remis les pieds pour ses trois précédents longs-métrages ( No man's land en 2001, L'Enfer en 2005 et Eyes of war en 2009). Cirkus Columbia boucle la boucle entamée avec No man's land qui se passait pendant le conflit et Eyes of war qui se situait après. Avec ce nouveau film, Danis Tanovic était donc prêt à revenir dans le passé et à se plonger dans ses souvenirs et sensations passés, avant cet épisode traumatisant. Il revient ainsi à la langue serbe (après le français et l'anglais dans les deux précédents longs), et travaille avec des acteurs serbes au jeu très juste, tendre et tranquille. Des visages inconnus qui apportent une totale crédibilité à la description du quotidien de ce pays.

 

Divko quant à lui revient dans son village après vingt d'exil en Allemagne. On ne sait pas vraiment pourquoi il est partit, ni exactement pourquoi il revient, mais on se doute bien que cela ne sent pas forcément la rose. Lui dit qu'il voudrait simplement passer le restant de ses jours dans son pays, qu'il porte toujours dans son cœur, divorcer de sa femme qu'il avait laissée là, et se marier avec sa nouvelle compagne, la jeune et pimpante Azra qu'il présente à tout le village. Il s'installe alors dans son ancienne maison (virant son ancienne épouse, normal...) et reprend sa vie, entre le café avec ses anciens amis et les caresses à son chat adoré Bonny (un personnage à part entière dans le film, tant les protagonistes lui accordent de l'importance !). Quand Bonny le chat porte-bonheur s'échappe, tout ce que Divko prévoyait ne tourne pas comme il l'entendait, et la petite histoire nous emmène vers la grande.

 

Cirkus ColumbiaAffectueux, nostalgique et mélancolique

 

Cirkus Columbia est un de ces films dans lesquels on se plonge avec délice et sans prise de tête. Il sait nous parler sans nous indiquer la voie à suivre, sans schéma narratif et outils de mise en scène cinématographiques trop éloquents, qui dirigent parfois trop le spectateur sur des sentiers déjà battus. Ici, le cinéma est chaleureux. Il sait émouvoir et faire sourire aux bons moments, avec des touches d'humour bien senties et pas trop potaches, tout en n'oubliant pas d'accorder de l'importance à la psychologie des personnages et aux décors.

Le film dévoile une nature verdoyante où il semble bon vivre. La photographie du film, aux couleurs chaudes ponctuées par des couleurs vives comme celles des vêtements d'Azra qui se pavane dans le village, propose une image vaporeuse et pop. Le village plutôt reculé n'est pas encore recouvert par trop de traces de la modernité, et on y voit la collectivité auprès de laquelle rien ne passe inaperçu, qui s'entraide ou se met des bâtons dans les roues à tour de rôle. Un brin nostalgique parfois, sans tomber dans quelque chose de pathétique. Cirkus Columbia sait manier une mélancolie attachante, capable d'éviter des situations trop balourdes et qui permet de rêvasser un peu, pris dans ce tiède quotidien.

 

 Entre deux eaux

Cirkus Columbia Ivica Djikic, nous fait donc débarquer dans la monotonie insouciante et ensoleillée de Martin, le fils de Divko, un adulescent passionné par les ondes radio, qui aime traîner avec ses amis, se baigner dans la rivière, et qui est surprotégé par sa mère. Quand son père arrive, il est un peu pris entre deux eaux et, au lieu de faire des choix, choisit de ne pas en faire et d'entreprendre ce que bon lui semble. Les autres personnages sont un peu comme lui, ils ont souvent du mal à se décider, à part pour sa mère Ivanda, très déterminée.

Entre utopie et réalisme, entre leurs rêves et leur quotidien banal, ces protagonistes doivent cependant essayer de prendre position quand des griefs éclatent, quand les tensions communautaires se font sentir et que la guerre semble imminente. Eux semble plutôt dirigés par leurs sentiments et leurs attaches, mais ce n'est pas le cas de tous ceux qui les entourent. D'abord comme un souffle lointain, le bruit de la guerre se fait de plus en plus sourd et proche, s'infiltrant dans les esprits et dans leur vie. Une seule issue semble se proposer à eux, plutôt que de choisir un camp : partir ailleurs, abandonner cet environnement qui semblait être leur raison de vivre.

Le film se finit là où la guerre éclate, et propose un faux happy-end qui nous laisse en eaux troubles, entre ravissement et inquiétude. Mieux vaut ne pas penser à la suite, et arrêter là le temps.

 

Danis Tanovic est un de ces réalisateurs d'Europe de l'Est dont on aime de plus en plus les films. On est face à un cinéma inventif et exaltant, qui s'approprie son histoire tout en sachant prendre du recul et ne pas verser dans le côté larmoyant. Avec une pâte « film indé », Cirkus Columbia est un film séduisant.

 

Par Mathilde Doiezie

 

 

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