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22 mai 2012 2 22 /05 /mai /2012 07:22

Les Vieux ChatsLES VIEUX CHATS
Comédie chilienne de Sebastián Silva avec Bélgica Castro. (2010 - vostf - 1h29)
Isidora et Enrique vivent une retraite paisible avec leurs deux vieux chats dans leur appartement cossu de Santiago du Chili. Une nouvelle panne d'ascenseur vient troubler la quiétude des lieux. Mais le pire est à venir avec l'arrivée impromptue de Rosario la fille tempétueuse d'Isidora.

Les Vieux Chats : l'enfer c'est les autres 

Sebastiàn Silva et Pedro Peirano réussissent le pari fou de construire un long-métrage autour de deux héros septuagénaires. Il parviennent surtout à traiter le drame familial de façon claustrophobe avec toujours une note d'humour acide et cynique, porté par quatre comédiens brillants de justesse.

 

Les Vieux chats« L'enfer c'est les autres » écrivait Jean-Paul Sartre, Sebastiàn Silva et Pedro Peirano, comme bon nombre avant eux, illustrent eux cette assertion de façon magistrale. Nous sommes d'abord présentés aux personnages d'Isidora et Enrique, deux retraités qui évoluent difficilement au milieu de deux gros chats impatients. Tout se complique avec l'âge, surtout les gestes quotidiens, comme parler au téléphone, se coiffer ou aller faire des courses lorsque l'ascenseur est en panne et garde prisonnière Isidora. Le film ne s'enfonce pas dans les abîmes d'une longue description, mais nous plonge dans un fond sonore cotonneux pour nous entraîner dans les tréfonds de l'esprit défaillant d'Isidora, qui se met à parler avec des absents et laisse l'eau déborder du lavabo. Mais la rupture se produit véritablement lors de l'arrivée de la fille de cette dernière, Rosario qui surgit dans l'appartement, comme elle le fait dans le film, avec violence et impertinence. C'est l'image, le son, l'espace qu'elle trouble elle donne des coups de pieds au vieux chats, comme pour annoncer ceux qu'elle donnera à leur vieux maîtres.

 

Les Vieux chatsLa confrontation claustrophobe entre Rosario et sa mère peut commencer. Claustrophobie, par le lieu d'abord, celui du salon de l'appartement qui ne veut pas libérer Isidora, qui l'obligera à endurer son supplice. Celui de la salle de bain, et de son miroir, dans lequel il est dur d'accepter son reflet, celui de la cuisine, seul refuge des quatre vieux chats. Silva et Peirano maitrisent de bout en bout la mise en scène quasi théâtrale. Des déplacements des personnages à leur immobilité, ils donnent une importance primordiale aux espaces. Personnages autant que les personnages, ils révèlent la nature profonde des humains qui les hantent. C'est dans le supplice de la descente des marches, qu'Isidora pourra racheter sa faute auprès de sa fille et que cette dernière montrera, par son impassibilité qu'il est trop tard.

 

Les Vieux chatsIl s'agit, pour les réalisateurs de montrer la difficulté des rapports humains et celle de s'accepter soi-même. Rosario devra tirer un trait sur son identité de fille d'Isidora pour devenir complètement femme, la mère, elle, devra arrêter de vivre pour elle, puisqu'elle est déjà partie, et mettre en avant cette fille avec qui elle n'a aucun souvenir. La force du scénario se trouve dans ce développement jamais manichéen. Rosario, qui apparaît en premier lieu, comme une fille ingrate, cocaïnomane et ne pensant qu'à dépouiller sa propre mère, se transforme peu à peu en animal blessé, dont on comprend les souffrances. C'est le chemin inverse pour Isidora, d'abord fragile, puis petit à petit froide et cruelle. Chacun a ses raisons d'être ce qu'il est et la conclusion, à la fois émouvante mais également drôle et cynique, laisse la question ouverte à un changement possible.

 

Par Camille Esnault pour "Toutlecine.com"

 

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