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5 février 2013 2 05 /02 /février /2013 09:53

La paradeLA PARADE
Drame, comédie serbe, croate de Srdjan Dragojevic avec Nikola Kojo, Milos Samolov, Hristina Popovic...(2012 - vost - 1h55)
Lemon, parrain des gangsters de Belgrade, se voit obligé d’assurer la sécurité de la première GayPride de Serbie.
Pour l’aider dans cette mission impossible, il part à la recherche d’anciens mercenaires. Comment cet équipage hétéroclite qui n’aurait jamais dû se rencontrer
va-t-il arriver à transcender les frontières et leurs différences ?

La Parade : serbe, croate, bosniaque, albanais, pédé même combat... 

Il est des films qui auront beau privilégier l'évidence d'un message au détriment d'une finesse de réalisation et qui sauront pourtant, par leur vitalité et par leur engagement, emporter l'adhésion du public, qu'elle se fasse grâce à ou en dépit de ce choix. La Parade en fait partie.

 

L'histoire est celle d'un road-movie politique. Pour reconquérir la femme qu'il aime, Lemon un gangster serbe macho mais attendrissant ( Nikola Kojo, La Vie est un Miracle, et son bulldog au poil) va devoir assurer le service d'ordre de la première Gay Pride de Serbie. Abandonné par ses amis et collègues, il devra faire appel à d'autres ressources. S'engage alors, en compagnie d'un rondouillard vétérinaire gay, un road-movie où ils retrouveront les joyeux compagnons d'armes de tout horizon du serbe (''Technik'') – croate (''Oustachi'' mention spéciale à l'irrésistible Goran Navojec), albanais (''Shqiptar'') et... homosexuel (''pédé'') même combat. Comique et tragiquement réel, impertinent et aisément appréciable, La Parade est enthousiasmant et peut-être plus subtil qu'il n'y paraît.

 

La ParadeFin novembre, c'est un brillant documentaire français, Les Invisibles, qui apportait sa pierre à l'édifice de la revendication d'une égalité de droits étendue aux homosexuels. Le message y composait plutôt le sous-texte tandis que, dans La Parade, il en formule le sur-texte qui chapeaute en permanence le développement du film. Les Invisbles était cinématographique avant d'être militant ; La Parade serait donc militant avant d'être cinématographique. Le plus souvent alors, le critique dit ''exigeant'' condamnera la seconde forme au profit de la première. Il préfèrera le ''dur labeur du cinéma'', la ''neutralité de l'art véritable'' et ''l'objectivité critique''. Tandis que le critique ''amateur'' préférera au contraire le ''simple plaisir du grand public'', et le ''sujet de société'' aux affres de l'intellectualisme et de l'esthétique. Incontestablement les moyens diffèrent mais il est peut-être malaisé d'en tirer de telles conclusions qui rejouent des divisions que les deux films visent justement à combattre.

 

La ParadeLà où Les Invisibles débordait de la pure et simple contribution au débat actuel en s'attardant au singulier, celui d'homosexuels âgés tous de plus de soixante dix ans, hommes et femmes de diverses classes sociales, La Parade joue certes de stéréotypes en choisissant l'efficacité codifiée de la comédie populaire, – qui ravira les uns et lassera les autres. Mais le film de Srdjan Dragojevic ne se laisse pas non plus réduire à une lutte locale. La petite voiture rose que conduisent les deux héros sera à chaque étape taggée d'une nouvelle insulte (sale technik, sale oustachi etc.), la suivante venant recouvrir la précédente avant de faire disparaître le sale pédé du début. C'est ainsi l'absurdité de toutes ces haines qui finira par apparaître. Le message n'est donc aussi simplet qu'il en a l'air : au-delà de la Gay Pride, ce sont tous les combats qui ne doivent pas se laisser diviser. Et le film questionne aussi bien la normalité des relations homme-femme, des rapports entre ethnies, entre hétéro et homo etc.

 

La ParadeQuant à la réponse apportée de l'union fait la force, elle est peut-être utopique et facile, elle reste conquise de haute lutte. Et l'on apprécie pour finir que, ce qui pourrait virer au politiquement correct d'un Hit and Run, se révèle brut de décoffrage et jubilatoire. L'homosexuel ouvert donne une leçon à l'hétérosexuel borné qui en retour lui répond : bats-toi comme un homme, un vrai, soit un pédé, un vrai pédé qui garde la tête haute. Contribuer à l'histoire sociale c'est peut-être tout autant contribuer à l'histoire des formes de l'art.

 

Par Léo Pinguet


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