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6 octobre 2013 7 06 /10 /octobre /2013 14:32

Blue JasmineBLUE JASMINE
Film américain de Woody Allen avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Peter Sarsgaard, Bobby Cannavale, Sally Hawkins...  (2013 - vostf - 1h38)
Alors qu’elle voit sa vie voler en éclat et son mariage avec un homme d’affaire fortuné, battre sérieusement de l’aile, Jasmine quitte son New York raffiné et mondain pour San Francisco et s’installe dans le modeste appartement de sa soeur Ginger afin de remettre de l’ordre dans sa vie.

 

 

A raison d'un film par an, le cinéma du stackanoviste Woody Allen s'était un peu essoufflé. Ses dernières réalisations, "Midnight in Paris" et "To Rome with Love", si elles ne manquaient pas d'un certain charme, ne laissaient pas un souvenir impérissable. Avec "Blue Jasmine", Woody Allen regagne ses galons de grand cinéaste, à qui le tragique sied autant que le comique.

 

Une héroïne aux airs de Gatsby le Magnifique 

 

Autant le dire toute suite : on ne rit pas, ou alors d'un rire qui châtie ("Castigat ridendo mores", en bon latin) de la déchéance de Jasmine alias Jeanette, cette quadra devenue richissime à la faveur d'un mariage avec Hal, un escroc déguisé en pro des placements, et qui, petit à petit, voit son monde doré s'effriter.

 

Ayant tout perdu, cette parvenue déchue en est réduite à demander l'asile à sa sœur (Sally Hawkins, excellente) caissière demeurant dans un faubourg de San Francisco. La bourgeoise rencontre les prolos. Sur le papier, cela fait simpliste et caricatural, mais le scénario confère à l'intrigue une intensité dramatique et une profondeur qui permettent d'aller au-delà du hiatus entre deux milieux sociaux.

 

La virtuosité de la réalisation tient à l'architecture du film, qui propose un incessant va-et-vient entre le présent de Jasmine, qui noie son désespoir dans le Xanax et l'alcool, et son passé de mondaine où, de soirée en soirée, de révélation en révélation (les infidélités répétées de son mari), le spectateur la voit tomber de Charybde en Scylla.

 

Les flash-back permettent de rendre encore plus palpable la descente aux enfers de l'héroïne attachée à ses prérogatives en même temps qu'ils illustrent la prégnance d'un passé qui l'empêche d'envisager un futur autre que mondain et frivole. Au fond, Jasmine, poursuivant sans relâche un passé doré qu'elle ne pourra pas retrouver, a quelque chose de Gatsby qui a l'illusion de retrouver la Daisy du passé.

 

Entre satire et réalisme social 

 

Allen dresse le portrait au vitriol d'une femme à la fois irritante dans ses contradictions, ses prétentions et ses angoisses de bourgeoise, mais avant tout bouleversante. Loin d'être un personnage monolithique, Jasmine agace et émeut tour à tour.

 

Dans les scènes du passé, la caméra suit son mouvement rapide comme pour montrer qu'elle broie du vide, pour s'arrêter en plan fixe dans une dernière séquence déchirante, où la démence de l'héroïne éclate dans sa pleine expression.

 

Le film, entre satire d'un milieu mondain frivole où sous le vernis clinquant apparaissent les mensonges et réalisme social, n'est rien moins qu'un apologue universel et intemporel sur l'impossibilité de sortir de son milieu. Incapacité certes, à passer de l'opulence à la pauvreté, mais aussi, et c'est ce que montre le parcours de la sœur, pendant inverse de Jasmine, inaptitude à désirer autre chose que ce que l'on a connu. Ginger, la sœur, se satisfait de compagnons "beaufs" ; éclairée par une Jasmine dégoûtée par leur médiocrité, elle choisit un homme un peu plus relevé, mais malheureusement truqueur, pour se retrouver désillusionnée et finalement satisfaite de son premier compagnon.

 

Cate Blanchett, une interprète magistrale

 

Si le film est grand, très grand, il le doit à Cate Blanchett qui, de tous les plans, le porte de bout en bout, tant elle est époustouflante en femme au bord de la crise de nerfs. Visage dévasté, petits yeux sous lunettes bling-bling, son jeu, tout en logorrhées, tient littéralement de la performance théâtrale.

 

Elle interprète magistralement une partition difficile où, sous le masque de la bourgeoise altière, se dévoile peu à peu la femme déchue et névrosée, vaincue par la vie. Sa présence fébrile et les déchirures qu'elle dégage dans ce film d'une âpreté extrême laissent un goût amer qui restera bien plus longtemps en bouche que l'acidulé des derniers films de Woody Allen.

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