23 février 2010
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DISGRÂCE
Afrique Du Sud, Australie. Film de Steve Jacobs avec John Malkovich, Jessica Haines, Eriq Ebouaney... (2008 - vostf - 1h59)
Afrique du Sud, peu après l'Apartheid.
David Lurie, un professeur de poésie romantique est forcé de démissionner de son université après avoir entretenu une relation avec l'une des ses étudiantes. Il s'installe alors chez sa fille dans une ferme isolée de la côte Est de l'Afrique du Sud. Là où les blancs avaient pour l'habitude de diriger, leur présence est maintenant à peine tolérée. Jusqu'au jour où David subit une agression en étant le témoin impuissant du viol de sa fille. Il prend alors conscience de l'inversion des pouvoirs qui s'est opérée dans son pays et dans son rapport aux femmes.
La critique [evene] par Thomas Flamerion
‘Disgrâce’, ou la chute d’une belle utopie du XXe siècle : le rêve d’une nation fondée sur la discrimination qui réconcilierait ses enfants, blancs et noirs. Mais l’Afrique du Sud post-apartheid est une terre veinée de fossés. Tombé en déshonneur pour s’être entiché d’une de ses élèves, un professeur d’université se réfugie dans le veld, auprès de sa fille. Loin du tumulte du Cap, les volontés d’ouverture se heurtent à des siècles d’incompréhension. La violence ne s’est pas tue, elle distille son poison dans le lien qui unit les générations et la cohabitation interraciale. John Maxwell Coetzee avait su dire ces fractures dans un roman d’une puissance à nulle autre pareille. Steve Jacobs, qui revient de la comédie de moeurs, ose l’adaptation d’un monstre. Et la gifle qu’il nous inflige est cinglante. Usant de la même sobriété, de la même distance, il réalise l’exact reflet du texte de Coetzee. Un film bouleversant, glaçant, qui a su emprunter aux mots son essence, à l’aridité des paysages et au talent des comédiens son indépendance. Même le maniérisme de John Malkovich s’efface derrière le désarroi de son personnage. Parfait lorsqu’il méprise le conservatisme des institutions, il abandonne peu à peu son arrogance pour affronter l’indicible sauvagerie et la soumission de sa fille. Incarnée par Jessica Haines - largement à la hauteur de son premier rôle au cinéma - la jeune génération de Blancs tente de rompre avec les vieux modèles hiérarchiques, au risque de sacrifier son intégrité et de payer cher le tribut de la cohabitation. Quelle que soit la distance qui les sépare, chacun de ces rôles est une clé pour pénétrer la complexité de l’histoire sud-africaine. Dans la chaleur étouffante et sous la lumière crue, Steve Jacobs filme le drame sans fard, sans ostentation non plus. Il préfère la force d’un silence impuissant aux débordements de douleur. Et c’est dans cette retenue qu’il trouve l’image juste d’un monde vacillant sous son propre déséquilibre.