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24 janvier 2012 2 24 /01 /janvier /2012 07:04
Footnote 

FOOTNOTE


Film istraélien de Joseph Cedar Shlomo Bar-Aba, Lior Ashkenazi, Aliza Rosen (2011 - vostf - 1h45)


Les Shkolnik sont chercheurs de père en fils. Alors qu'Eliezer Shkolnik, professeur puriste et misanthrope a toujours joué de malchance, son fils Uriel est reconnu par ses pairs.
Jusqu'au jour où le père reçoit un appel : l'académie a décidé de lui remettre le prix le plus prestigieux de sa discipline. Son désir de reconnaissance éclate au grand jour.

 

Footnote de Joseph Cedar : un astérisque drôlement dramatique

Footnote Footnote est une parenthèse ironique et légère placée au beau milieu d'un univers lourd et complexe. Les études talmudiques, au départ, ça n'a rien d'amusant. Pourtant, Joseph Cedar, sur fond de compétition père-fils, et de course à la reconnaissance sociale, arrive à traiter le sujet avec une décontraction qui donne à Footnote des allures de comédie woodyallienne.

 

Grand esprits et petites rancœurs

FootnoteEliezer Shkolnik, Shlomo Bar Aba, est un puriste, un méticuleux, un perfectionniste qui consacre des années à l'étude d'une note de bas de page, en extirpe des hypothèses, en tire des conclusions, les jauge à la lumière de son immense savoir, et, quelques années plus tard, si l'homme estime que la vérité ne fait plus l'ombre d'un doute, publie. Après des décennies à éprouver une découverte fondamentale qu'il était sur le point de faire éclater au grand jour, Eliezer se fait doubler au dernier instant par un paire indigne qui, par le plus affreux des hasards, tombe sur un document qui réduit à néant ses efforts harassants. Le chercheur chanceux, cette année là, remporte le prix d'Israel et par la même la haine fidèle solide et sincère d'Eliezer. Depuis, l'homme rumine la défaite qui lui coutât tant et scrute d'un mauvais œil la consécration d'Uriel, Lior Ashkenazi, un fils doté d'un esprit plus fertile mais moins rigoureux. Mais aujourd'hui, Eliezer vient de recevoir l'appel de sa vie, celui qui fera bientôt de lui l'homme qu'il a toujours rêvé d'être : un membre à part entière des génies récompensés par le prix d'Israël.

 

Les vices de Cedar

FootnoteSous l'impitoyable soleil israélien, filtre astrale qui révèle les fines particules poussiéreuses encombrant l'atmosphère, Joseph Cedar fait souffler une brise délicate, fragile et parfumée, qui file tantôt le blues, tantôt la patate. Une petite musique légère relève un drame, puis c'est au tour de la mélancolie de ternir une frivolité passagère. Joseph Cedar se plait à nous laisser sprinter, les mains dans le dos et la tête baissée, vers une évidence. Puis, s'armant d'un sourire en coin, le réalisateur nous prend à contre-pieds, déstabilise et désoriente, et tandis que le spectateur vacillant cherche à retrouver l'équilibre, les yeux cernés de Joseph s'allument d'une flamme mauvaise, et l'homme applique au spectateur un vilain croche-patte afin de couper court au moindre regain de certitude. On finit par comprendre que rien n'est parfait, juste, compréhensible et logique. Place donc à l'insupportable courroux d'un hasard bête et méchant. Mais ce genre de traitement ne sied pas à n'importe quel spectateur, et Joseph Cedar, administrant sans retenue la dose maximale, risque d'éveiller quelques critiques. On peut en effet estimer que l'humour dramatique et le drame humoristique que ce redoutable carnivore se plaît à ronger jusqu'à la moelle, peut enthousiasmer ceux qui aiment que ça grince, et révolter ceux qui réclament autre chose qu'une note de bas de page et des os. Mais qu'il attise l'un ou l'autre de ces sentiments, Footnote rassemble par la qualité de la réalisation et celle, incontestable des acteurs.

 

Par Paul Gevin


 

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17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 06:19

 

A Dangerous Method

   

A DANGEROUS METHOD


Thriller canadien de David Cronenberg avec Keira Knightley, Michael Fassbender, Viggo Mortensen (2010 - vostf - 1h39)


Sabina Spielrein, une jeune femme souffrant d'hystérie, est soignée par le psychanalyste Carl Jung. Elle devient bientôt sa maîtresse en même temps que sa patiente. Leur relation est révélée lorsque Sabina rentre en contact avec Sigmund Freud... Cette liaison dangereuse aura des conséquences aussi inattendues que fondamentales.

 

A Dangerous Method de David Cronenberg : le mot et la chose

Sur le papier, A Dangerous Method avait tout pour nous séduire : David Cronenberg qui s'attaque à la psychanalyse, en filmant la confrontation historique entre Carl Jung et Sigmund Freud sur le cas de Sabina Spielrein, une jeune Russe diagnostiquée «hystérique». Le résultat est maîtrisé et brillant, peut être trop !

 

A Dangerous MethodA l'origine, il y a le travail d'un homme, Christopher Hampton, ce dramaturge britannique bien connu pour avoir signé le scénario des Liaisons dangereuses de Stephen Frears. Il a d'abord fait du roman de John Kerr (A most dangerous method) une pièce de théâtre (The Talking Cure) avant d'en écrire sa version cinématographique. Un scénario qui semblait tailler sur mesure pour David Cronenberg, ce metteur en scène d'origine canadienne, qui n'a eu de cesse d'interroger la complexité de l'âme humaine, ses penchants pervers et sa dualité entre corps et esprit. Il ne pouvait trouver meilleur terrain d'exploration que les travaux de Carl Jung et Sigmund Freud, qui le ramènent aux sources de ses obsessions pour son premier film à vocation historique.

 

A Dangerous MethodAu début du XXe siècle, Sigmund Freud et C.G Jung ont mené l'une des plus grandes batailles philosophiques de notre époque, qui donna naissance à la psychanalyse moderne. S'affrontant autour du cas de Sabina Spielrein, tantôt patiente, tantôt maîtresse, tantôt disciple pour terminer brillante praticienne et finalement prendre parti pour l'un au détriment de l'autre, rongé par la culpabilité et la solitude, ces protagonistes vont imprimer l'histoire de leurs idées avec au centre, une théorie sur le primat de la sexualité sur l'inconscient humain. Le ressort dramatique de A Dangerous Method repose avant tout sur ce double enjeu, intellectuel d'un côté avec cet affrontement verbal et cette longue correspondance entre Jung et Freud, sexuel de l'autre avec les pulsions charnelles et sado-masochistes de C.G Jung pour sa patiente.

 

A Dangerous MethodLe récit s'ouvre sur l'arrivée de Sabina Spielrein au cabinet de C.G Jung. La folie se dessine sur le visage de Keira Knightley, mimant l'hystérie avec une conviction certaine. Mais d'emblée, on sait que le film empruntera le chemin de la maîtrise, préférée au terrain de l'émotion. L'actrice force le trait, grimace du mieux qu'elle peut, mais elle n'atteindra jamais la chair de son personnage. David Cronenberg flirte avec le génie lorsqu'il inscrit les protagonistes de ce ménage à trois dans un cadre ingénieusement maîtrisé, où l'influence de l'un sur l'autre viendra s'inscrire dans la composition du cadre final. Pourtant, et c'est là qu'on l'attendait le moins, le cinéaste se révèle plus fragile quand l'enjeu sexuel vient faire surface. En misant sur l'introduction du personnage d'Otto Gross ( Vincent Cassel, décidément peu inspiré chez Cronenberg), ce patient sordide, pris par les démons de la chair, qui va attirer C.G Jung dans l'antre virginal de Sabina Spielrein, le récit se ferme et glisse vers le grotesque.

 

Difficile à croire, mais la plus grande faiblesse du film semble venir de sa trop grande maîtrise. Maîtrise du scénario, rigide et bavard, maîtrise du cadre, flamboyant mais jamais intime, et maîtrise de ses comédiens, figés mais manquant de chair. On aurait aimé voir le trouble et la folie s'animer devant la caméra de David Cronenberg, on se contentera de cette grande intelligence qui n'a hélas rien de bien périlleuse...

 

Par Laure Croiset

 

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10 janvier 2012 2 10 /01 /janvier /2012 06:14
Le Havre

 

LE HAVRE
Film français de Aki Kaurismäki avec André Wilms, Kati Outinen, Jean-Pierre Darroussin... (1h33)
 

 

Marcel Marx, ex-écrivain et bohème renommé, s’est exilé volontairement dans la ville portuaire du Havre où son métier honorable mais non rémunérateur de cireur de chaussures lui donne le sentiment d’être plus proche du peuple en le servant. Il a fait le deuil de son ambition littéraire et mène une vie satisfaisante dans le triangle constitué par le bistrot du coin, son travail et sa femme Arletty, quand le destin met brusquement sur son chemin un enfant immigré originaire d’Afrique noire. Quand au même moment Arletty tombe gravement malade et doit s’aliter, Marcel doit à nouveau combattre le mur froid de l’indifférence humaine avec pour seules armes son optimisme inné et la solidarité têtue des habitants de son quartier. Il affronte la mécanique aveugle d’un Etat de droit occidental, représenté par l’étau de la police qui se resserre de plus en plus sur le jeune garçon refugié. Il est temps pour Marcel de cirer ses chaussures et de montrer les dents.

 

Le Havre : Aki Kaurismäki in paradise 

Après Mathieu Amalric ( Tournée) et Abel-Gordon-Romy ( La Fée), c'est le cinéaste finlandais Aki Kaurismäki qui a choisi la ville portuaire du Havre comme décor à sa nouvelle fiction. Optimiste et caustique.

 

Marcel Marx ( André Wilms, postulant sérieux au titre de César du meilleur acteur) est un ex-écrivain et bohème renommé qui s'est exilé volontairement au Havre. Cireur de chaussures le jour, pilier de bar la nuit, Marcel mène une vie satisfaisante auprès de sa femme Arletty ( Kati Outinen). Jusqu'au jour où sa route va croiser un enfant immigré originaire d'Afrique noire... Une malette, un imperméable, un homme au chapeau... Aki Kaurismäki pose deux-trois éléments de fiction dans cette ville à l'architecture surannée. Teinté d'une nostalgie douce-amère, Le Havre pose la fraternité au coeur de son récit. Car le cinéaste a foi en l'homme et croit encore à la solidarité d'un quartier, lorsque l'injustice fait surface. C'est ainsi que le spectateur suivra Marcel Marx dans sa course folle pour sauver ce jeune garçon réfugié. Faisant face à la jungle de Calais et l'étau de la police (incarnée ici par un Jean-Pierre Darroussin impeccable), jamais il ne perdra foi.

 

Le HavreMais avec Aki Kaurismäki, rien n'est aussi facile et le discours possède différents niveaux d'interprétation. Teintant son récit de couleurs sombres et intenses, le cinéaste met aussi en lumière la gravité d'un monde qui ne tourne pas tout à fait rond. Parmi les tumultes de la ville, les réfugiés sont placés d'un camp à un autre, sans discernement et les hommes sont prêts à tout pour préserver leur quiétude, quitte à dénoncer les égarements de son voisin du dessous (c'est là que Jean-Pierre Léaud apparaît). Entre optimisme forcené et mélancolie profonde, Le Havre appartient à cette famille de films au parfum subtil et délicat, qui donne foi en l'homme.

 

D' Ozu à Jacques Tati, en passant par Charlie Chaplin et Jean-Pierre Melville, les influences d'Aki Kaurismäki sont à la fois multiples et singulières. Point d'ancrage réaliste dans cette fiction aux allures de fable humaniste, juste un récit qui réchauffe nos âmes endolories. Et l'incursion du rock qui réveille de Little Bob suffira à nous donner le sourire !

 

Par Laure Croiset


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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 09:11

La Source des Femmes 

 

LA SOURCE DES FEMMES
Film français de Radu Mihaileanu avec Leïla Bekhti, Hafsia Herzi, Biyouna... (2h15)

Sélection Officielle, en compétition - Festival de Cannes 2011


Cela se passe de nos jours dans un petit village, quelque part entre l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Les femmes vont chercher l'eau à la source, en haut de la montagne, sous un soleil de plomb, et ce depuis la nuit des temps. Leila, jeune mariée, propose aux femmes de faire la grève de l'amour : plus de câlins, plus de sexe tant que les hommes n'apportent pas l'eau au village.

 

découvrez tout sur le film sur le site : http://www.lasourcedesfemmes.com

Entretien avec Radu MihaIeanu

Co   comment ce projet est-il né ?

Tout a commencé avec un fait divers qui s'est déroulé en Turquie en 2001: dans un petit village traditionnel, les femmes, depuis la nuit des temps, allaient tous les jours chercher l'eau à la source, située au sommet d'une montagne voisine, et rapportaient des seaux remplis qui meurtrissaient leurs épaules. Suite à une série d'accidents, les femmes ont décidé de rompre la fatalité et d'entamer une grève de l'amour tant que les hommes ne raccordaient pas l'eau au village. Au départ, les hommes n'ont pas pris les femmes au sérieux, puis c’est devenu violent. Les femmes ont tenu bon. L'affaire a fini par être réglée par le gouvernement. De manière plus métaphorique, je me suis aussi replongé dans Lysistrata d'Aristophane, où une femme déclenche la grève de l'amour pour mettre fin à la guerre, face à l'indifférence des hommes. Ce sujet me semblait rempli d’ interrogations très contemporaines.

Vous n'avez jamais hésité à vous attaquer à un sujet pareil ?

Pendant longtemps, en tant qu'homme, juif, Français, je ne me suis pas senti légitime pour parler d'une culture que je connaissais peu, d'autant que je sentais qu'il fallait aborder ce sujet de l'intérieur. Mais j'étais convaincu dès le départ que le film aurait plus de force dans un contexte musulman : cela nous permettait d'évoquer le Coran et l'islam, souvent mal connus, et objets de tous les clichés et fantasmes. J'ai donc cherché d’abord une réalisatrice d'origine arabe pour apporter un éclairage plus juste au projet. Comme je n'en ai pas trouvé, et que j'ai fini par m'approprier le sujet, je me suis laissé convaincre par mes coproducteurs de le réaliser moi-même.

Mais j'ai aussitôt posé deux conditions. D'abord, je tenais à disposer d'une période de documentation me permettant entre autres d'aller dans des villages pour rencontrer les femmes qui y vivent : je voulais prendre le temps de pénétrer dans l'intimité de cette culture pour en cerner toutes les nuances et les points de vue. Ensuite, il me semblait impératif de tourner le film en arabe, non seulement par souci d'authenticité et de sonorité, mais aussi pour que les personnages ne parlent pas la langue du colonisateur. Il fallait que, moi aussi, j'adopte le point de vue de cette culture et que j’essaie de parler de cette voix-là.

Quelles recherches avez-vous menées ?

Avec Alain-michel Blanc, mon coscénariste, nous avons d'abord lu beaucoup de témoignages de femmes arabes, de livres de sociologie et d'ouvrages sur l'islam. On a aussi rencontré des spécialistes du monde arabe, comme Malek Chebel, Soumaya Naamane Guessous, qui ont réfléchi à la condition des femmes. Puis, nous sommes partis interroger des femmes de villages semblables au nôtre : elles nous ont raconté des tas d'anecdotes qui, parfois, ont trouvé leur place dans le scénario. Nous avons noué de vraies amitiés, découvert des puits de richesse. Ce voyage nous a beaucoup aidés à nous glisser petit à petit dans leur subjectivité et à quitter un peu nos esprits occidentaux.

C’est peut-être là le plus bel aspect de mon métier. Au gré de nos recherches, on a appris, par exemple, que les femmes, y compris dans des villages très enclavés, ont accès – de manière souvent embryonnaire – aux nouvelles technologies et sont donc au contact d'autres manières de vivre, sans pour autant nier leurs traditions. Ce croisement de civilisations se retrouve dans le film. Comme La Source des femmes a la forme d'un conte oriental contemporain, non situé dans un lieu spécifique, on s'est également documenté sur une grande variété de pays musulmans pour en repérer les points communs, notamment sur la question des femmes et de leurs rapports à l'homme, aux enfants, aux parents, à la belle-mère, à l’amour, au travail, aux célébrations, à la musique, etc.

Comment les personnages se sont-ils esquissés?

Plusieurs des femmes du film m'ont été inspirées par les habitantes du village où j'ai vécu avant d'y tourner. Dans la maison où j'habitais, il y avait un couple assez similaire au couple Leila/Sami : lui était guide pour les touristes et avait épousé par amour une femme extérieure au village, qui se faisait souvent appeler "l'étrangère", comme dans le film. C'était donc un homme ouvert d'esprit qui ne s'était pas plié à la tradition du mariage arrangé.

C'est peut-être aussi son statut d'étrangère qui permet plus facilement à Leila de déclencher la grève.

Comme elle a vécu l'exil et qu'elle a su réunir deux cultures – la culture du désert, puisqu'elle vient du sud, et la culture de la montagne –, Leila est plus libre que les autres. Plus libre aussi parce qu'elle a été agressée : elle n'a plus rien à perdre et son indignation la pousse à partir au combat. Il était donc logique qu'elle soit à la tête du mouvement de révolte des femmes. Et c'est aussi parce qu'elle se sent protégée par l'amour de son mari.

Vieux Fusil est un personnage extraordinaire.

C'est aussi quelqu'un qu'on a rencontré. Souvent, les femmes d'âge mûr, dans les villages, acquièrent une notoriété considérable et, lorsqu'elles deviennent veuves, n'ont plus personne chez elles pour les dominer. Et le "Vieux Fusil" que nous avons rencontré accompagnait les événements marquants du village par des chants qui stigmatisaient les travers des hommes de manière métaphorique. Elle incarnait une sorte de "juge de paix" : il lui était arrivé de dénoncer des hommes infidèles ou qui battaient leurs femmes. On s'est donc dit que Leila, seule, ne pourrait pas obtenir satisfaction et qu'il lui fallait un appui pour l'épauler.

Et les autres femmes qui entourent Leila ?

Elles constituaient ce qu'on a longtemps appelé le "comité central" de la grève, autrement dit les femmes les plus combatives qui, par ailleurs, étaient amies. J'ai découvert à cette occasion qu'elles sont souvent très drôles et qu'elles tournent en dérision les questions sexuelles – toujours de manière métaphorique. Comme ces femmes sont souvent en manque d'affection, elles le comblent à travers les séries mexicaines et égyptiennes qui dégoulinent de sentimentalisme et dont elles retiennent quelques répliques, comme "Te quiero" qu'Esméralda répète constamment dans le film !

Chez les personnages masculins, aucun n'est entièrement condamnable.

Non, parce que, d'une certaine manière, ce sont tous des victimes. Ni Alain-Michel, ni moi n'aimons écrire des personnages intégralement positifs ou négatifs. On se dit qu'ils sont tous le produit de plusieurs facteurs et qu'ils ont tous une subjectivité qui peut leur donner raison. Même le frère de Sami n'est pas une brute épaisse : on comprend qu'après avoir souffert d'un tel manque d'amour, il était logique qu'il devienne comme ça. Tout comme le fils du Vieux Fusil est devenu islamiste parce qu'il est victime de conditions économiques épouvantables et de la crainte de "perdre la face", incapable d’envoyer de l’argent à la famille.

Au fond, le film est une ode à l'amour.

Je ne sais pas faire des films "contre." Malgré les tragédies et les barbaries qui nous environnent, je préfère m'attacher à la beauté de la vie, tout en abordant des problèmes majeurs. C'est donc un film "pour." Pour la beauté de la femme et pour la beauté de l'amour – mais un amour qui puisse s'affirmer librement, sous peine de mettre le couple en danger. C'est dans ces circonstances, lorsque l'amour est poussé dans ses retranchements, qu'on voit ceux qui sont capables de générosité. Ce film est un cri d'amour de certaines femmes qui disent aux hommes : "Aimez-nous et regardez- nous." Car l'amour commence par le regard.

L'eau est aussi la métaphore de l'amour.

Dans certains chants arabes traditionnels, on dit que l'homme doit "arroser" la femme, comme si la femme était une fleur. Ou une terre fertile. Et les femmes demandent aux hommes de ne pas oublier de les arroser – autrement dit, de ne pas les négliger et de continuer à les regarder. Etant donné que l'homme n'apporte pas l'eau au village, il ne peut plus les arroser. La sécheresse qui frappe le village est donc une métaphore du cœur qui se tarit.

Vous évoquez aussi la volonté des femmes de s'approprier leur corps.

C'est une question centrale, notamment dans le monde rural. Au nom de la tradition, beaucoup de femmes ont été élevées dans l'idée qu'elles ne sont que des reproductrices. Certaines s'appellent même, de manière très violente, des "vaches à engrosser." Plusieurs femmes que j'ai rencontrées tombent d'ailleurs enceintes 15 à 20 fois durant leur vie. Les plus jeunes d'entre elles réclament aujourd'hui des moyens de contraception pour maîtriser leur corps et la natalité. Autant dire qu'elles ignorent le plus souvent la notion de plaisir, alors qu'elles sont issues d'une civilisation très sensuelle, depuis la musique et la danse jusqu’à la cuisine très épicée. C'est pour cela que j'ai utilisé Les 1001 nuits pour rappeler que la culture orientale est riche de sensualité, contrairement aux clichés actuels qui confondent islam et islamisme.

La culture et l'éducation sont très présentes, comme facteurs d'émancipation.

De plus en plus de femmes, dans des pays comme le Maroc, la Tunisie, et le Liban, apprennent à lire et à écrire. Mais il reste un tabou évoqué dans le film : c'est le droit de la femme de lire le Coran et de donner son avis sur les sourates qui sont délibérément sujets à l'interprétation. Et pourtant, il est écrit dans le Coran que "l'être humain doit s'élever par le savoir", ce qui englobe les hommes et les femmes. Du coup, dans le film, Leila pose la question : qui refuse que la femme s'élève par le savoir ? Cette révolution de l'émancipation des femmes par la connaissance reste en grande partie à faire.

Saviez-vous dès le départ que vous feriez intervenir un imam ?

Il faut bien voir qu'il y a encore beaucoup de préjugés occidentaux selon lesquels tous les imams sont intégristes, alors que la plupart ne prêchent pas la violence, mais prônent la réflexion et l'amour d'autrui. Pour moi, il était donc essentiel de créer un imam au visage de sage. Même si, par tradition, il doit être du côté des hommes, on sent qu'il est gêné d'épouser leur discours : il finit par laisser les femmes s'exprimer et par les écouter vraiment. Et le plus sublime, c'est que Leila lui apporte un autre point de vue sur les écritures et qu'il l'entend, et qu'il le comprend. C'est alors qu'il change grâce à une femme : il a cette humilité et cette sagesse de se dire qu'elle a raison.

Les lieux ont leur identité : le hammam, l'oued et la petite pièce où l'on se réfugie pour lire et écrire des lettres d'amour...

Dans ce type de communauté, les femmes se retrouvent dans des lieux où elles peuvent se parler, à l'écart de l'écoute des hommes. C'est là qu'elles s'avouent beaucoup de choses et plaisantent entre elles. Ce sont des lieux fortement identifiés: le hammam où les hommes n'ont pas le droit d'entrer tant qu'elles y sont, l'oued où les femmes lavent le linge et d'autres espaces individualisés où elles se retranchent, par exemple, pour lire en cachette. On a donc créé ce lieu secret où on lit des livres et où on écrit des lettres. Et c'est aussi là que Leila dit à Esméralda qu'elle doit absolument apprendre à lire et écrire : c'est sans doute ce qui pourra la libérer.

La langue a une musicalité extraordinaire.

J'ai toujours aimé la sensualité de la langue arabe. Nous avons tourné en darija, le dialectal marocain d'une très belle musicalité. Dans la tradition orientale, on ne dit pas les choses frontalement : il ne faut jamais humilier l'autre pour qu'il n'y ait pas de vaincu. Du coup, beaucoup d'échanges se font par le chant, la poésie et la danse. Je voulais donc que certaines choses soient exprimées à travers le chant et la danse des femmes. Il fallait que le chant et la danse soient lumineux, joyeux, même si les propos, souvent métaphoriques, étaient assassins.

Dans un premier temps, j'ai donc dû écouter très attentivement la langue, comme je l'avais fait avec le russe dans Le Concert, ou l'amharique et l'hébreu pour Va, vis et deviens, et j'ai aussi dû capter les intonations et les accents sur les phrases. Par la suite, j'ai mis en place des séances de coaching pendant trois mois pour les acteurs qui ne parlaient pas le darija, afin que leur phrasé ait la même mélodie et le même rythme que les Marocains. Les comédiens ont tellement bien travaillé qu'on n'a presque rien eu à corriger en postsynchronisation.

Comment arriviez-vous à les diriger sans comprendre la langue ?

Pour la première fois de ma vie, j'ai tourné intégralement dans une langue étrangère que je ne connaissais pas avec la majorité des acteurs principaux qui ne parlaient pas la langue du film non plus ! Mais il m'arrivait même de corriger les acteurs marocains sur leur intonation : ils étaient souvent surpris car je ne me trompais pas ! En fait, j'ai fini par m'approprier la mélodie du darija, ce qui m'a beaucoup servi pour régler les chants qui devaient avoir une dimension tragicomique.

Comment avez-vous orchestré les séquences musicales ?

J'ai commencé par assister à des fêtes, des mariages et des naissances que j'ai filmés, et j'ai aussi visionné des documentaires sur ces chants et danses traditionnels. On s’est beaucoup inspirés de la réalité. Par la suite, j'ai moi-même écrit les textes des chansons, en m'inspirant de poèmes arabes et berbères pour me mettre en tête la métrique de cette poésie et en comprendre les métaphores. Car, encore une fois, on ne s'exprime pas frontalement dans cette langue, mais toujours de manière détournée et suggestive.

Et la musique ?

C'est Armand Amar, qui connaît très bien cette culture et qui a même organisé un spectacle à Paris avec des artistes marocaines, qui a composé la musique. Comme dans Va, vis et deviens, il a marié plusieurs tonalités musicales, du symphonique à des instruments traditionnels, comme l'ûd, mélange de force et de nostalgie tragique, le doudouk, qu'il avait déjà utilisé, et le kamanché, violon iranien aux sonorités rugueuses qui me plaisent beaucoup. Il a aussi utilisé deux voix magnifiques de femmes arabes, comme un leitmotiv qui ponctue le film. Ce "métissage" sonore crée une impression de conte, tout en donnant à l'ensemble ce côté immédiat et accidentel que je recherchais.

On passe constamment de la comédie à la tragédie...

C'est le reflet de ma vie, et de la vie en général qui est tout sauf monochrome ! Il m'arrive de lancer une plaisanterie alors que j'ai perdu un amour ou un proche, et que je sois pris d'une envie de rire. C'est une manière de me dire que je suis vivant et que je ne suis pas complètement détruit. À l'époque de Train de vie, j'ai rencontré beaucoup d'anciens déportés qui m'avaient dit avoir survécu dans les camps grâce à l'humour qui leur donnait l'impression d'être toujours des êtres humains, et qui les réconfortait dans leur questionnement sur leur spiritualité.

Alors qu’on tentait de les réduire à l’état animal. De même pour La Source des femmes, j'ai compris que ces femmes que j'ai rencontrées dans les villages,et qui se faisaient battre et parfois violer, étaient capables d'un humour ravageur. Comme cette femme battue qui prétendait être tombée dans l'escalier, alors qu'il n'y a pas d'escalier chez elle. « Oui mais, explique-t-elle, c'est ce que les femmes disent dans les séries mexicaines ! » L’humour est une force, jamais une faiblesse de caractère.

Comment s'est passé le casting ?

Contrairement à mes habitudes, j'ai écrit le rôle de Leila avec Leila Bekhti en tête. Je l'avais vue dans Mauvaise foi de Roschdy Zem, et je l'avais trouvée incroyable, alors même qu'elle était si frêle, et encore débutante. Très tôt, je lui ai fait lire le traitement, avant même d'avoir le scénario finalisé : cela a été une rencontre d'autant plus formidable qu'elle m'a conseillé des livres, dont un très bel ouvrage sur la place de la femme dans le Coran. Elle m'a avoué qu'elle ne s'était jamais autant donnée pour un rôle et pendant un mois avant le tournage, on a travaillé toutes les nuances de son personnage. Elle m'a énormément épaulé humainement sur un tournage qui n'était pas simple et elle m'a marqué par son talent, sa profondeur humaine, sa volonté, sa force de caractère. C’est une grande !

Et les autres comédiennes ?

J'ai très tôt choisi Hafsia Herzi : elle a une joie de vivre et une énergie propres à cette jeunesse féminine qui veut que les choses évoluent, et dont j'avais besoin pour le personnage d'Esméralda. Grand talent aussi. De même, j'avais envie, depuis des années, de travailler avec Hiam Abbass, mais j'avais pensé à elle pour un autre rôle : c'est elle qui m'a proposé d'incarner un personnage plus ambigu et elle a eu raison. Quant à Biyouna, elle a été une fantastique surprise ! Je me demandais au départ si elle arriverait à tenir de longs monologues, puisqu'elle est essentiellement chanteuse, et moins actrice, mais dès les essais je me suis rendu compte qu'elle avait tout ce que je recherchais : l'autorité naturelle, l'humour, la voix et l'ironie ! C’est une grande actrice, « Biyou » crève l’écran ! Une autre rencontre formidable : Sabrina Ouazani. Je l'avais surtout vue dans des films sombres si bien que je me demandais si elle pouvait être lumineuse, légère. Et en réalité, c'est cette légèreté qui la caractérise, cette femme est la joie incarnée.

Parlez-moi des rôles masculins.

J'avais vu Saleh Bakri dans La Visite De La Fanfare, où il avait un rôle plus monochrome et linéaire. Mais il a à la fois cette douceur et cette faculté d'indignation propres au personnage de Sami. C'est un être humainement exceptionnel. Une autre rencontre merveilleuse a été celle de Mohamed Majd, qui avait joué dans Le Grand Voyage d'Ismaël Ferroukhi : c'est un immense acteur marocain, au visage magnifique, qui n'a même pas besoin de parler pour exprimer ses émotions, la caméra l’adore. Son personnage est un sage qui aime Leila et Sami d'un amour infini, mais qui repère les déséquilibres dans la communauté et qui tente de restaurer la paix.

Quelles étaient vos priorités pour la mise en scène ?

D'entrée de jeu, je savais que ce film allait me bousculer après l'expérience du Concert dont la mise en scène était ample et se rapprochait d'une production américaine. Il fallait que je coupe avec cela et que je m'interroge sur la vérité du sujet : j'ai compris que je devais être proche des personnages, un peu comme dans un documentaire, tout en donnant au film une dimension de conte, autrement dit un léger décalage avec la réalité. J'ai donc utilisé une petite caméra, très légère, et j'ai tourné quasiment tout le film à la main.

Pour m'imposer une discipline, je n'ai pris aucune machinerie : ni travelling, ni Dolly, ni rien. Je n'avais qu'un Steadycam qui m'obligeait à ne pas avoir de mouvements rectilignes, mais désordonnés. Avec un tel dispositif, j'allais chercher les personnages de manière plus "accidentelle," plus "imprévue" et surtout non linéaire : c'est ce qui insuffle de la vie au film. On a aussi beaucoup travaillé les perspectives et la profondeur de champ : je voulais qu'il y ait souvent des obstacles dans le champ et des amorces qui "mangent" le personnage pour accentuer ce côté brut, accidentel, non frontal. Par exemple, quand Leila pleure à genoux, l'arbre à côté duquel elle se trouve lui cache une partie du visage.

Quelle palette de couleurs avez-vous privilégiées ?

On voulait traduire à la fois la chaleur des couleurs du pays et le sentiment de sécheresse. On a donc tourné avec une lumière violente, à la limite de la surexposition, et on a cherché à capter l'ocre de la terre, de la montagne et des maisons. On s'est aussi attaché à filmer la couleur cuivrée des visages qui apportent de la sensualité, tout en veillant à ce qu'ils se détachent sur les paysages à dominante ocre. Aussi, nous avons fait le choix de très peu maquiller les comédiens pour redécouvrir la beauté des rides, cette sagesse de la peau oubliée en Occident.

C'est donc un tournage entièrement en décors réels ?

Oui, à ceci près qu'on s'est rendu compte que le village où nous étions était un peu monochrome et n'évoquait pas suffisamment l'univers du conte, même s'il était naturellement magnifique. Avec l'autorisation des villageois, on a apporté quelques touches de couleurs, patinées, comme les portails ou les fenêtres, en nous inspirant de la peinture des orientalistes et d'autres villages du monde arabo-musulman. De même, dans les costumes, les coiffures et les bijoux, on a marié plusieurs traditions, avec le souci constant de garder une cohérence culturelle et chromatique.

Le film a des résonances étonnantes avec les révolutions actuelles qui secouent le monde arabe.

Suite à plusieurs voyages dans des pays du Maghreb, j'avais remarqué que les femmes avaient de plus en plus accès à l'éducation et que donc, forcément, elles seraient amenées à occuper des postes administratifs et à responsabilité dans des entreprises. Du coup, progressivement, grâce à leurs diplômes, les femmes commenceraient à avoir une place prépondérante dans l'élite des sociétés arabes. Par ailleurs, en lisant des livres sur le dialogue entre modernité technologique et civilisation arabe, il me semblait inévitable qu'à un moment donné les femmes revendiquent de plus en plus de droits et l'assouplissement de leur condition.

Ce qui n'est en rien contradictoire avec les préceptes du Coran. Je me disais donc que lorsque les révolutions arabes se produiraient – ce qui était inévitable à court ou moyen terme – elles ne pourraient pas advenir sans la participation des femmes. Car le moment est sans doute venu pour que les femmes mènent de vraies révolutions, non violentes, puisque l'homme n'est plus capable de non violence et de cette lucidité-là. En travaillant sur ce film, c'est le pari que j'ai fait.

Aujourd'hui, je suis avec beaucoup d'intérêt ces formidables révolutions du "printemps arabe", mais il faut se poser la question de savoir quelles révolutions impliquent les femmes, et quelles révolutions ne les impliquent pas : ces révolutions vont-elles jusqu'à l'intimité – la sphère domestique – et jusqu'à l'école –la sphère éducative ? Lorsque ces deux révolutions seront accomplies – à la maison et sur les bancs de l'école, on aboutira à la véritable égalité démocratique entre hommes et femmes. Et à une vraie chance pour la démocratie. C'est en tout cas ce qui se passe en Tunisie et qui est très porteur d'espoir.

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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 00:00
Carnage

 

CARNAGE
Film de Roman Polanski avec Kate Winslet, Jodie Foster, Christoph Waltz... (1h20)


Dans un jardin public, deux enfants de 11 ans se bagarrent et se blessent. Les parents de la «victime» demandent à s’expliquer avec les parents du «coupable». Rapidement, les échanges cordiaux cèdent le pas à l’affrontement. Où s’arrêtera le carnage ?

Carnage de Roman Polanski : le diable dans la bouche  

 Roman Polanski réinvestit l'espace du huis-clos en adaptant Le Dieu du Carnage, la pièce à succès de Yasmina Reza. Transposée dans le quartier bourgeois et bien-pensant de Brooklyn, l'intrigue confronte deux couples aux méthodes éducatives discordantes qui sont contraints de régler le différend qui opposa leur fils respectif dans la cour d'école. Rapidement, l'entrevue vire au pugilat, déclenchant une joute verbale jubilatoire pour animer, sous nos yeux ravis, le monstre du logos.

 

Carnage - Jodie Foster, Kate Winslet, John C. Reilly, Christoph WaltzNancy ( Kate Winslet) et Alan Cowan ( Christoph Waltz) sont conviés chez Penelope ( Jodie Foster) et Michael Longstreet ( John C.Reilly) pour discuter des blessures de guerre minimes infligées par leur fils turbulent à l'enfant de leurs hôtes. Ces workaholic pragmatiques revêtissent donc leurs plus beaux habits de sociabilité pour expédier une affaire dont ils ne se soucient guère. Mais c'est sans compter l'humanisme fervent de Penelope, la mère du blessé, qui voit là l'occasion unique de partager avec ces parents démissionnaires son sens irréprochable de la morale ainsi que le sacerdoce auquel elle dédie son existence tout entière, l'éveil intellectuel et artistique de sa progéniture. Justice doit être rendue et le coupable puni, avec un châtiment ordonné à la nature du forfait.

 

Carnage - Jodie Foster, Kate Winslet, John C. Reilly, Christoph WaltzC'est bien sûr l'unité de temps et de lieu qui assure à Carnage une densité et un rythme frénétique qui emportent crescendo le spectateur vers un plaisir orgasmique. La mise en scène sobre et minutieuse fait la part belle à des acteurs dont l'engagement et le plaisir du jeu servent des dialogues savoureux, trempés dans le vinaigre. Christoph Waltz irradie en sophiste moderne entraînant dans un joyeux charivari une Jodie Foster hystérique, ébranlée par sa propre logorrhée. On rit de bon coeur, parfois jaune, expérimentant une catharsis jouissive qui fait voler en éclats les conventions sociales. Le Verbe libérateur des faux-semblants exécute chez chaque protagoniste une trépanation douloureuse mais salutaire.

 

Carnage - Jodie Foster, John C. ReillyCarnage épingle ces parents qui cachent leurs problèmes derrière le rempart solide des enfants. Le récit se mue en autopsie de couples mal assortis et d'épouses incomprises, éreintées par l'attitude irresponsable et machiste de leur mari, et leur solitude insondable. Les hommes s'en sortent mieux et s'amusent presque d'une tragi-comédie typiquement féminine. Il faut entendre Christoph Waltz railler l'exigence morale de Jodie Foster et lui expliquer que les hommes préfèrent aux femmes ratiocinantes les sensuelles et impétueuses gouvernées par leurs hormones ! Si les hommes s'arrangent avec la complexité de l'existence, sans chercher à tout expliquer, les femmes, exsangues, poursuivent l'idéal fou d'une vie limpide. Et la foudre de réduire en poudre ce salon coquet rejouant l'immémoriale tragédie des sexes.

 

Par Elodie Vergelati

 

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29 décembre 2011 4 29 /12 /décembre /2011 08:04

 

 


Pure

  PURE

Film suédois de Lisa Langseth avec Alicia Vikander... (2010 - vostf - 1h38)
Cherchant à s’affranchir d’un milieu défavorable, une adolescente est engagée dans une salle de concert où elle découvre la puissance envoûtante du "Requiem" de Mozart et celle, ravageuse, de l’amour...
Sur ce canevas initiatique, la jeune cinéaste dessine le chemin chaotique de son héroïne, malmenée entre fascination, obstination et manipulation...

LUNDI 2 JANVIER à 18h et 21h


Carnage  CARNAGE

Film franco, allemand, polonais de Roman Polanski avec Kate Winslet, Jodie Foster, John C. Reilly, Christoph Waltz... (2011- vostf - 1h20)
Dans un jardin public, deux enfants de 11 ans se bagarrent et se blessent. Les parents de la «victime» demandent à s’expliquer avec les parents du «coupable». Rapidement, les échanges cordiaux cèdent le pas à l’affrontement et pugilat. Où s’arrêtera le carnage ?
Roman Polanski adapte Le Dieu du Carnage, la pièce à succès de Yasmina Reza. Transposée dans le quartier bourgeois et bien-pensant de Brooklyn, l'intrigue confronte deux couples aux méthodes éducatives discordantes qui sont contraints de régler le différend qui opposa leur fils respectif dans la cour d'école, déclenchant une joute verbale jubilatoire...
LUNDI 9 JANVIER à 18h et 21h


Connaissance du Monde :

PRAGUE et la Boheme
A travers ce voyage en Bohême Eric FONTANEILLES vous invite à découvrir une culture différente de la nôtre dont nous avons été privée pendant les 40 années de communisme. Prague gothique, baroque, toujours plus riche, nous offre le dédale de ses ruelles et ses façades Art nouveau. Vivant plusieurs mois par an dans cette cité où il a " posé mon sac", et après des années de voyages consacrées à la prise de vue et aux conférences, l’auteur a trouvé à Prague l'harmonie d´une capitale culturelle à dimension humaine. Découvrez avec lui  la capitale de la Bohême.
LUNDI 16 JANVIER à 14h30 et 18h


Le Havre

LE HAVRE


Film français de Aki Kaurismäki avec André Wilms, Kati Outinen, Jean-Pierre Darroussin... Festival de Cannes. Prix Louis Delluc 2011. (2011 - 1h33)
Marcel Marx, ex-écrivain et bohème renommé, s’est exilé dans la ville portuaire du Havre où il est cireur de chaussures. Le destin met sur son chemin un enfant immigré originaire d’Afrique noire alors que sa femme tombe gravement malade. Marcel doit à nouveau combattre le mur froid de l’indifférence humaine avec pour seules armes son optimisme inné et la solidarité têtue des habitants de son quartier. Il affronte la mécanique  de la police qui se resserre de plus en plus sur le jeune garçon refugié. Il est temps pour Marcel de cirer ses chaussures et de montrer les dents.
Ode à la liberté et à la solidarité aussi tendre que drôle, à la nostalgie et à l'optimisme revendiqués, cette nouvelle déclaration d'amour au cinéma et à l'espérance d'A. Kaurismäki est peut-être sa plus belle...
LUNDI 16 JANVIER à 18h et 21h


A Dangerous Method  A DANGEROUS METHOD

Thriller canadien de David Cronenberg avec Keira Knightley, Michael Fassbender, Viggo Mortensen... (2010 - vostf - 1h39)
Sabina Spielrein, une jeune femme souffrant d'hystérie, est soignée par le psychanalyste Carl Jung. Elle devient bientôt sa maîtresse en même temps que sa patiente. Leur relation est révélée lorsque Sabina rentre en contact avec Sigmund Freud... Cette liaison dangereuse aura des conséquences aussi inattendues que fondamentales.
David Cronenberg s'attaque à la psychanalyse, en filmant la confrontation historique entre Carl Jung et Sigmund Freud. Un thriller maîtrisé et brillant...
LUNDI 23 JANVIER à 18h et 21h


Footnote

FOOTNOTE


Film istraélien de Joseph Cedar Shlomo Bar-Aba... (2011 - vostf - 1h45)
Les Shkolnik sont chercheurs de père en fils. Alors qu'Eliezer Shkolnik, professeur puriste et misanthrope a toujours joué de malchance, son fils Uriel est reconnu par ses pairs. Jusqu'au jour où le père reçoit un appel : l'académie a décidé de lui remettre le prix le plus prestigieux de sa discipline. Son désir de reconnaissance éclate au grand jour. Oui mais...
Sur fond de compétition père-fils, et de course à la reconnaissance sociale, Joseph Cedar arrive à traiter le sujet avec une décontraction ironique et légère qui donne à Footnote des allures de comédie woodyallienne.
LUNDI 30 JANVIER à 18h et 21h


Connaissance du Monde : LE NEPAL

La mondialisation et la révolution maoïste ont métamorphosé la vie des habitants du Népal et la porte du Mustang est désormais entrouverte. C’est dans les décors sublimes de ce Népal en pleine mutation sociale que Sébastien Braquet va partir sur les traces de son père Emmanuel, le célèbre cinéaste, de Kathmandou jusqu'au cœur de l'Himalaya...
LUNDI 6 FEVRIER à 14h30 et 18h

 


Take Shelter

TAKE SHELTER

Film américain de Jeff Nichols avec Michael Shannon, Jessica Chastain, Kathy Baker... Grand Prix du Festival de Deauville. (2011 - vostf - 1h56)
Curtis mène une vie paisible avec sa femme et sa fille quand il devient sujet à de violents cauchemars. La menace d'une tornade l'obsède. Des visions apocalyptiques envahissent peu à peu son esprit. Son comportement inexplicable fragilise son couple et provoque l'incompréhension de ses proches. Rien ne peut en effet vaincre la terreur qui l'habite...
Incroyablement mis en scène ce film nous embarque dans la tête de ses personnages et surtout de ce père de famille interprété par Michael Shannon, abrasif, plouc et psychopathe, qui gagne ici ses galons de star.
LUNDI 6 FEVRIER à 18h et 21h


Shame

SHAME

Film américain de par Steve McQueen avec Michael Fassbender, Carey Mulligan, James Badge Dale... (Inerdit - 12 ans - 2010 - vostf - 1h39)
Brandon est un trentenaire New-Yorkais victime d'addiction sexuelle, vivant seul et passant le plus clair de son temps à travailler. Le jour ou Sissy, sa sœur, débarque à New York à l'improviste pour s'installer chez lui, Brandon va avoir de plus en plus de mal à dissimuler son lourd secret.
Après «Hunger», Steve McQueen livre un film saisissant, un bijou hypnotique de spleen et de maîtrise esthétique, aussi implacable que le thème dont il s'empare. Un film coup de poing qui ronge le désir jusqu'à l'os...
LUNDI 13 FEVRIER à 18h et 21h


Les Acacias

LES ACACIAS

Film argentin de Pablo Giorgelli avec German de Silva, Hebe Duarte, Nayra Calle Mamani... Caméra d'Or au Festival de Cannes. (2011 -  vostf - 1h25)
Sur l'autoroute qui relie Asunción à Buenos Aires, un camionneur doit emmener avec lui une femme qu'il ne connaît pas et son bébé. Ils ont devant eux 1500 kilomètres, et le début d'une belle histoire.
L'histoire personnelle a été décisive pour le développement de ce projet : en quelques mois à peine, le metteur en scène s'est séparé de sa compagne à un moment où la crise économique a frappé fort en Argentine : "Ce film parle de ma douleur face à la perte. De la solitude éprouvée à l’époque. Du besoin de me sentir protégé par quelqu’un", se remémore Pablo Giorgelli.
LUNDI 20 FEVRIER à 18h et 21h


On the Ice   
ON THE ICE 

 Thriller américain de Andrew Okpeaha Maclean. (2011 - vostf - 1h36)
Qalli et Aivaaq, deux adolescents de la communauté iñupiaq mènent une vie sans histoire dans une petite ville isolée du nord de l'Alaska jusqu'au jour où, partis à la chasse au phoque avec un de leurs amis, une dispute se solde par la mort accidentelle de ce dernier.
Paniqués, les deux garçons décident de se débarrasser du corps. Liés par leur sombre secret, rongés par la culpabilité, les deux amis vont être amenés à explorer les limites de leur amitié et de leur honneur...
Si le réalisateur connait si bien cette pacifiste communauté Iñupiaq, c'est tout simplement parce qu'il y est né. Ce qui ne l'empêche pas d'y distiller un parfum de sang, des relents de mensonges, une odeur de remords...
LUNDI 27 FEVRIER à 21h

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27 décembre 2011 2 27 /12 /décembre /2011 07:46
Pure

    

PURE
Film suédois de Lisa Langseth avec Alicia Vikander, Samuel Froler, Joséphine Bauer (2010 - vostf - 1h38)
 

 

Katarina a 20 ans et habite une sombre banlieue de Göteborg. Elle n’a pas terminé sa scolarité et redoute de finir comme sa mère. Un jour, elle tombe par hasard sur une vidéo YouTube avec une musique de Mozart et tombe immédiatement sous le charme de ce morceau. Elle parvient à se faire engager comme réceptionniste à la salle de concert de la ville. Adam, le chef d’orchestre, la remarque et, bien que celui-ci soit marié, ils entament une relation. Au début, Katarina est au septième ciel, mais elle réalise bien vite qu’elle est non seulement en train de mettre en jeu son ancienne vie, mais aussi la nouvelle identité qu’elle s’est forgée de toutes pièces. Elle se retrouve alors emportée dans une spirale de mensonges et d’imposture…

 

Sur ce canevas initiatique, la jeune cinéaste dessine le chemin chaotique de son héroïne, malmenée entre fascination, obstination et manipulation. Et contrebalance la prévisibilité de son scénario par le choix d’une mise en scène rugueuse et revêche.

 

Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "Pure" et de son tournage !

Première fois au cinéma, mais pas la dernière !

C'est le premier rôle au cinéma d'Alicia Vikander, qui lui a valu le prix de la Meilleure actrice aux Guldbagge 2011 (l'équivalent des Césars suédois), ainsi que le prix "Shooting stars" au Festival international du film de Berlin. Elle vient de tourner dans "Crown Jewels" d'Ella Lemhagen et va bientôt jouer aux côtés de Jeff Bridges dans The Seventh Son.

Théâtre et cinéma

Avec ce premier long-métrage, Lisa Langseth adapte la pièce de théâtre "L’Aimé", qu'elle avait également mise en scène en 2004 au théâtre Elverket de Stockholm. Auteur et metteur en scène de plusieurs pièces depuis l'âge de vingt ans, et admiratrice de Stig Larsson (dont elle a vu la version télévisée de "PDG" à treize ans), elle a voulu retranscrire cette œuvre en images. La réalisatrice explique : "Le film et la pièce de théâtre sont deux œuvres totalement différentes. L’intrigue est la même, mais la pièce est un monologue qui se passe entièrement dans la tête de Katarina, dans un monde qui ne correspond en rien à la réalité. C’est difficile à rendre au cinéma, et j’ai dû réinventer la structure."

Scènes de ménage...

Lorsque Lisa Langseth a présenté la pièce "L'Aimé", celle-ci a provoqué le divorce de plusieurs couples. En effet, les uns défendaient le personnage de Katarina, les autres le personnage d'Adam. Ils étaient même partagés sur le fait de savoir si cette histoire était une histoire d'amour ou non ! La cinéaste confie espérer que le film puisse avoir le même effet...

Passionnée de musique classique

La musique jouant un rôle primordial dans le film, la réalisatrice a choisi de tourner à Göteborg pour sa belle salle de concert, et pour le brio de l’orchestre philharmonique de la ville. Le Requiem de Mozart que découvre Katarina devient une véritable obsession : "Elle n’écoute pas comme tout le monde, elle se sert de la musique comme d’une drogue, une forme d’échappatoire", affirme Lisa Langseth. La musique est aussi, pour elle, un cercle fermé, qui appartient sans nul doute à une certaine élite culturelle, mais que nous avons tous la possibilité de découvrir.

Ambivalence

Le personnage d'Adam est celui d'un homme froid, intelligent, sûr de lui, manipulateur et obtenant tout ce qu'il veut des autres. Cependant, l'acteur qui l'interprète (Samuel Froler) et la réalisatrice ont essayé de le rendre plus sympathique pour apporter une ambivalence, et faire en sorte qu'il ne soit pas seulement le "méchant" de l'histoire : "Je ne supporte pas les personnages tout blancs ou tout noirs, je les trouve ennuyeux. D'un certain point de vue, Katarina, la protagoniste du film, est admirable, mais elle est aussi compliquée et difficile à vivre, pour moi elle n'est pas du tout quelqu'un de bon", souligne Lisa Langseth. Ce qui plait à cette dernière chez ce personnage, c'est qu'elle ne se préoccupe pas de son poids et qu'elle n'écoute pas la musique de Shakira comme beaucoup de jeunes filles de son âge. Bien au contraire, elle cherche quelque chose de différent et de plus stimulant intellectuellement.

Identité

Katarina modifie son identité pour plaire à son amant. La réalisatrice s'interroge : Y-a-t-il un "moi" véritable ? Pour elle, ce qui forme un être humain est essentiellement l'image que l'on a de soi, et aussi la position occupée dans la société. Lorsqu'elle était au collège, la classe de la cinéaste a été transférée dans un quartier beaucoup plus chic. Ce fut un choc pour elle : "Cette expérience m'a influencée énormément.(...) A la maison on dormait dans le salon sur un canapé lit, là-bas on n'osait à peine s'asseoir sur le sofa de style. Et encore je ne suis pas issue de la classe ouvrière. J'ai vite compris que l'impression qu'un groupe a d'une personne est déterminante pour se faire accepter ou non", se remémore Lisa Langseth.

 

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20 décembre 2011 2 20 /12 /décembre /2011 07:51

L'Art d'aimerL'ART D'AIMER
Divertissement français d'Emmanuel Mouret avec Pascale Arbillot, Ariane Ascaride, Frédérique Bel, François Cluzet (2011 - 1h25)
Au moment où l’on devient amoureux, à cet instant précis, il se produit en nous une musique particulière. Elle est pour chacun différente et peut survenir à des moments inattendus...
Réjouissante comédie servie par des acteurs formidables. Ces histoires de couple qui ne sont pas sans évoquer Woody Allen parfois se révèlent drôles, touchantes et cruelles à la fois...

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13 décembre 2011 2 13 /12 /décembre /2011 07:45

 Les Marches du PouvoirLES MARCHES DU POUVOIR
Film américain de et avec George Clooney, Ryan Gosling, Philip Seymour Hoffman... (2011 - vostf - 1h35)
Stephen Meyers est le jeune mais déjà très expérimenté conseiller de campagne du gouverneur Morris, qui se prépare pour les élections à la présidence américaine. Idéaliste et décidé à faire honnêtement tout ce qu'il peut pour faire gagner celui qu'il considère sincèrement comme le meilleur candidat, Stephen s'engage totalement. Pourtant, face aux manipulations et aux coups tordus qui se multiplient vite, Stephen va devoir faire évoluer sa façon de travailler et de voir les choses. Entre tentations et désillusions, les arcanes du pouvoir le transforment...

Les Marches du pouvoir de George Clooney : le theatrum mundi de la politique

 George Clooney n'est pas novice en la matière; il a approché de très près le monde de la politique, n'osant toutefois jamais se lancer dans le grand bain. S'il y a bien une chose qu'il confesse avec son nouveau film en tant que réalisateur, c'est sa fascination inextinguible pour les jeux de pouvoir, les affaires d'ego et de manipulation qui jonchent la route sinueuse du succès politique.

 

Pour la petite anecdote, l'acteur voulait d'abord tourner le film en 2008 mais n'a pas eu le goût de détruire la vague d'optimisme qui déferla sur les Etats-Unis après l'élection de Barack Obama. Un an après (avec accessoirement une crise financière, des guerres interminables et des promesses électorales restées lettre morte), le cynisme avait suffisamment repris ses droits dans la cité pour que ce thriller politique voie le jour. Pour notre plus grand plaisir.

 

Les Marches du pouvoir - George ClooneyVous ne trouverez ici pas une once de discours moralisateur ou de propagande démocrate. Il s'agit avant tout d'un portrait cinglant de la politique moderne, où le scandale sexuel est la pire des fautes, où journalistes et politiciens se mangent mutuellement dans la main, où tous les coups bas sont permis pour gagner non pas la bataille de la démocratie, mais celle de la communication.

 

Bienvenue dans le monde grisâtre des primaires démocrates de l'Ohio, qui opposent le sénateur Pullman au gouverneur Morris (George Clooney himself, savoureux). Ce dernier a engagé Stephen Meyers ( Ryan Gosling, fébrile et charmant), un expert en communication chargé de piloter le versant médiatique de la campagne tandis que la stratégie politique revient à son directeur de campagne, Paul Zara (le vénéré Philip Seymour Hoffman).

 

Les Marches du pouvoir - Ryan GoslingL'intrigue repose sur le récit initiatique de Stephen Meyers, sorte de Rastignac avide de pouvoir, un jeune loup qui a déjà trempé dans des affaires pas nettes et qui croit se refaire une virginité en servant un homme pour lequel il nourrit une foi authentique. Son idéalisme récent ne va pas résister longtemps aux coulisses des primaires, vaste partie d'échecs au cours de laquelle un camp tente d'anticiper la stratégie de l'autre pour rester en tête des sondages ou obtenir le soutien indispensable de députés républicains.

 

Ce thriller politique propose un scénario plutôt dense, à l'efficacité redoutable; le rythme est enlevé, le casting excellent (Paul Giamatti, éternel second rôle qui en éclipse plus d'un), le tout étant porté par une identité visuelle très forte. Qu'il s'agisse des affiches de campagne, du QG de Morris, des ruelles crasseuses de Detroit où l'on tombe en disgrâce du jour au lendemain, des universités aménagées pour les meeting politiques ou des shows télévisuels, tout est d'un réalisme léché. Les dialogues sont taillés dans le diamant, point d'autant plus appréciable que la chose se fait rare au cinéma.

 

Les Marches du pouvoir - Philip Seymour HoffmanCeux qui s'attendent, en revanche, à un film dialoguant avec le contexte politique actuel des Etats-Unis doivent être prévenus : seul compte ici le plaisir de la fable, l'observation minutieuse des mécanismes de l'arène politique. Comme le suggère l'excellente scène d'ouverture dans laquelle Ryan Gosling répète, sur une estrade, le discours du gouverneur, au milieu des techniciens qui règlent leurs caméras, la politique est un petit théâtre où le sens de la mise en scène et de la représentation est la seule compétence qui vaille. Et si ces hommes politiques conversent gentiment dans un restaurant chic avec leurs acolytes journalistes, c'est bien dans la ruelle aux égouts débordants qu'ils dévoilent leur plan. Le caniveau, la nouvelle agora.

 

Par Elodie Vergelati

 


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6 décembre 2011 2 06 /12 /décembre /2011 07:15

 Les Hommes libresDES HOMMES LIBRES
Film historique français de Ismaël Ferroukhi avec Tahar Rahim, Michael Lonsdale, Mahmud Shalaby... (2011 - 1h48)
1942, Paris est occupée par les Allemands. Younes, un jeune émigré algérien, vit du marché noir. Arrêté par la police française, Younes accepte d’espionner pour leur compte à la mosquée de Paris. La police soupçonne en effet les responsables de la mosquée, dont le Recteur, Si Kaddour Ben Ghabrit, de délivrer de faux-papiers à des Juifs et à des résistants. A la mosquée, Younes rencontre le chanteur d’origine algérienne Salim Halali. Touché par sa voix et sa personnalité, Younes se lie d’amitié avec lui. Il découvre rapidement que Salim est juif. Malgré les risques encourus, Younes met alors un terme à sa collaboration avec la police. Face à la barbarie qui l’entoure, Younes, l’ouvrier immigré et sans éducation politique, se métamorphose progressivement en militant de la liberté.

 

Les hommes libres : Tahar Rahim, l'homme de l'ombre  

D' Ismaël Ferroukhi, on connaissait son goût du romanesque mêlé à un regard lyrique et humaniste. Après nous avoir conté le voyage initiatique d'un jeune lycéen en 2004 avec Le Grand Voyage, il confronte la petite et la grande Histoire dans son dernier film épris de liberté, Les hommes libres.

 

Le récit prend place dans le Paris occupé de 1942. Younes, un jeune émigré algérien vit de petit trafic. Arrêté par la police, il troque sa liberté en acceptant d'infiltrer la Mosquée de Paris. Là-bas, il devra observer les faits et gestes de son Recteur, soupçonné de délivrer des faux-papiers à des juifs et des résistants. Il y rencontre un chanteur à la voix de velours, Salim Halali qui le métamorphosera progressivement en combattant de la liberté.

 

C'est donc entre les murs de cette Mosquée à l'architecture pittoresque qu'Ismaël Ferroukhi met en lumière l’histoire méconnue des résistants musulmans de la Seconde Guerre mondiale. Sur la base d'un scénario solide, qui repose sur le travail méticuleux de deux historiens de renom Benjamin Stora et Pascal Le Pautremat, Les hommes libres dresse le cheminement d'un ouvrier immigré et sans éducation politique, qui, face à la barbarie, se transformera en un héros très discret.

 

Les Hommes Libres - Mahmud ShalabyLe récit est fiévreux, porté par un Paris tour à tour austère et chaleureux. Avec un sens aigu du cadre et une quête constante du romanesque, Ismaël Ferroukhi s'attache plus à l'humain qu'à la froide reconstitution des faits. Et c'est sans doute en s'appuyant sur l'itinéraire de Younes que le récit prend tout son sens. Tour à tour lâche et héroïque, incarné par le toujours sensible Tahar Rahim, il porte en lui toute la complexité de ces héros de l'ombre, que l'Histoire a parfois tendance à éclipser trop facilement. Autour de lui, gravitent des personnages dont les contours peuvent parfois sembler obscurs et sans véritable consistance, mais on retiendra notre souffle devant le regard perçant de Salim et cette voix si singulière et tragique à la fois.

 

Par Laure Croiset

 


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